L’art comme élan vital

Qui dit voyage, dit découverte, exploration, reconnaissance. Cela peut être aussi révélation et initiation. Que le voyage soit physique, spirituel ou artistique. Un voyage n’est pas que la découverte mentale d’un pays ou d’un peuple. Il s’agit de notre corps aussi. Il est en adaptation, mouvement, imprégnation de tout ce qui l’entoure. Bref, on en prend plein la tête et les sens sont en alerte, éveillés! Vous êtes d’accord avec moi , non ?

Là où je veux en venir (parce que cet article sert à quelque chose, j’adore écrire sur le clavier, mais pas que !!), c’est que pour ma part, les voyages sont devenus très limités. J’ai déjà pas mal voyagé dans ma vie et maintenant, ce n’est plus en accord avec mes valeurs écologiques. C’est à dire voyager autant qu’avant. Honnêtement, oui je prendrai encore l’avion, très modérément. Houla! je m’égare encore !

Alors je m’évade autrement, grâce à l’atelier voyage par l’art, l’instant Tour du Monde.

Je vais vous parler d’un peuple lié étroitement à son art, les Aborigènes. Dans l’esprit de la plupart d’entre nous, en pensant Aborigène, cela mène à Australie, Didgeridoo, peinture à points. Là je schématise, mais je pense que je ne suis pas très loin ! D’ailleurs, vous pouvez très bien me donner votre avis !

Les Aborigènes, que l’on nomme pour l’ensemble du peuple originel d’Australie, est composé de tribus aux langages divers. La complexité des structures religieuses autour desquelles s’organise la société aborigène, la richesse de leur tradition et langage visuel, ne m’autorisent pas à vous parler de ce peuple. Car je ne suis pas historienne ni anthropologue. Aussi, je vous invite à consulter une référence excellente si vous souhaitez en savoir plus (en bas d’article).

Parlons d’Art. A l’origine, c’est un art éphémère : tracés dans le sable, peintures de pigments naturels sur le corps, écorces d’arbre etc… Impossible de répertorier leurs oeuvres artistiques autrement que par la photographie. Et ce n’était pas considéré comme de l’art car ne correspondait pas à la conception européenne du 19ème siècle de l’objet d’art. Il y avait toujours ce regard ethnologique avant d’être artistique.

Cette phrase est incroyable : “Il était admis, au XIX siècle et au début du XXème, que les Aborigènes se situaient au stade plus bas de l’évolution et qu’ils constituaient un groupe humain sans art.” surprised Perso, ça me hérisse les poils…

On leur appris, dans les années 30 à peindre des paysages à l’aquarelle à la manière occidentale…. c’est ouf quand même! Rentrer dans le moule des occidentaux.

L’artisan du changement fut Geoffrey Bardon, un professeur de dessin qui avait été nommé à l’école de Papunya en 1971. Là je me reconnecte au sujet principal de cet article : l’élan vital. Je vous explique.

Papunya, village situé dans le désert central, était une réserve humaine où les aborigènes ne pouvaient plus s’exprimer en tant que peuple nomade. La colonisation et la sédentarisation ont fait des ravages. Alcool, nourriture non adaptée à leur organisme, bref un carnage. Petit aparté, aujourd’hui, il ne reste que 2% de la population originelle d’Australie.. c’est dingue…

Geoffrey Bardon, donc. “Les simples griffonnages sur le sable qu’il était amené à lire s’imposaient à lui comme la base d’un art nouveau, la clé d’une autre manière de voir ces immenses déserts” (J.P. Barou).

Lorsque je propose l’atelier Aborigène de Papunya, je raconte l’histoire des élèves de l’école qui, au lieu de dessiner sur le mur une fresque de leur histoire, se sont mis à peindre des cowboys, comme sur les magazines de la boutique. Depuis sa guérite de jardinier, un Aborigène – Kaapa – a vu la scène. Il ne dit rien mais durant les jours qui suivent, plusieurs vieux initiés rendirent bizarrement visite à Bardon. Ils lui firent  part de leur intérêt concernant cette idée de peinture sur les murs de l’école.

Un soir, il y eut une sorte de visite au domicile de Bardon, d’un groupe d’Aborigènes dont certains lui étaient encore inconnus : les initiés entendaient peindre eux-mêmes ! C’est alors qu’est née la fresque du rêve de la fourmi à miel, adaptée au regard des occidentaux.

Et de là, c’est parti. Bardon leur dédia un hangar à artistes dans lequel ils pouvaient s’exprimer, peindre. Partout, tout le temps, comme une urgence de transcrire leur rêve puisqu’on les autorisait à le faire. Ce fût un vrai big-bang artistique ! Ils ont tout défoncé, le moindre panneau de C.P, tôle, bout de bois, servaient comme support. Bardon les incitait à s’exprimer dans leur propre langage visuel. Il conforta de cette manière l’image d’eux-mêmes et la fierté de leur propre culture.

Hourra!

Je cite J.P.Barou, auteur et journaliste, qui exprime très bien la notion de survie de ce peuple par l’art :” Cette peinture provoquera un réveil, comme si soudain le lit d’une rivière desséchée se trou­vait ranimée par une tempête. Chaque initié veut peindre son «rêve», récupérer son totem, survivre, sauver son clan, en appeler au passé, préserver le futur. Car «celui qui perd son rêve est perdu», disent les Aborigènes

Les autorités locales seront d’abord stupéfaites devant tant de motivation, de mobilisation, d’énergie – où sont passés les primitifs oisifs, les porteurs de râteaux, les ivrognes méprisables, les animaux alanguis ?”

L’élan vital. La nécessité de peindre, raconter son histoire, son rêve, vivre sa peinture, c’est ce que j’ai ressenti la 1ère fois que j’ai approché la peinture des Aborigènes. C’est un voyage intérieur, une connexion à plus grand que soi, une révélation de ce qui me relit à la terre, mon essentiel.

En tant qu’art thérapeute, j’ai ressenti l’urgence de créer cet atelier, partager cette expérience. Il n’est pas question de faire comme eux, nous ne pouvons pas. Il est question de se connecter à son espace de création, ce qui fait sens pour chacun de nous, raconter son histoire ou un bout de chemin, laisser la main faire et voir se révéler un bout de soi.

Merci d’avoir lu, à bientôt !

Réf : Yvan Etiembre (blog Regard éloigné), Jean-Pierre Barou (auteur et journaliste)

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